Épisode spécial 04 - Janne

J’ai toujours admiré ma mère. C’est son pouvoir qui, d’entre tous, m’attire le plus. Être capable de pousser les gens à nous écouter, peu importe les circonstances, c’est juste magnifique. Se faire comprendre et convaincre sans douleur ni cri, c’est ça, être une vraie. C’est parce que moi j’ai tellement de choses à dire! Mais tristement, je suis meilleure pour entendre ce que les autres ressentent que pour me faire entendre, moi.

-Pour quand la vaisselle? grogne ma mère.

Je m’efforce de lui sourire.

-Tout de suite, je crois…

-Je préférerais que tu en sois sûre…

-Oui, chef!

Ça ne prend qu’un instant avant que je me mette à essuyer la vaisselle qu’elle lave. J’avoue, je ne le fais pas vraiment de bon cœur. Ce n’est pas que je n’aime pas rendre service, c’est simplement que je n’aime pas le faire quand on me le demande. Heureusement, la chef de maison nous ordonne presque jamais de nous mettre à l’œuvre, elle ne fait que fortement suggérer…

-Tu as entendu quelque chose d’intéressant à l’école ces derniers temps? me demande-t-elle soudain.

-Par entendu, j’imagine que tu veux plutôt dire capter des pensées.

-Ça aussi, oui.

Je repasse dans ma tête toutes les réflexions que j’ai pu saisir et qui m’ont marquée. Au secondaire, il n’y a que ça, de l’intéressant. Les gens cachent ce qu’ils sont vraiment au prix de l’apparence. Mais du pertinent?

-Non, rien.

Quand j’y pense, c’est ce qui m’impressionne le plus avec ma mère : que les adolescents l’écoutent, au risque de gâcher leur couverture. C’est dangereux, ce que peuvent dire les adultes, il faut se méfier.

Je souris en finissant de ranger la vaisselle.

-C’est fini, chef! Je romps les rangs, chef!

Ma mère lève les yeux au ciel. Bon, d’accord, elle a raison quand elle dit que je suis un peu impertinente. Mais c’est normal chez les jeunes, non? Et puis, je ne pense pas à mal, j’essaie simplement de m’exprimer.

En sortant de la cuisine, je me retourne vers la femme qui m’a tant donnée.

-En passant, maman. Bonne fête.

Je suis Zab Ca et elle, c’est la personne dont j’ai le plus besoin au monde.