Épisode 4 - Pour avoir la paix
- Isabelle Carrier
- 1 déc. 2017
- 3 min de lecture

Je n’ai jamais pu endurer les gens qui ont besoin d’abaisser les autres pour se sentir fort. Ce n’est pas qu’on me l’a déjà fait subir ni même que la vue des gens tristes me dérange. C’est simplement que pour moi, tout le monde s’équivaut. La fille qu’on a trouvée dans les sous-sols, Allie, a seulement eu la malchance de tomber sur des gens qui n’ont pas trouvé ce qui faisait d’elle leur égale.
Dans le couloir de l’école, une corneille étant ses ailes, répondant de son cri à ceux des élèves. Gracieuse, elle va se poser sur l’épaule d’Allie qui tressaille à peine. Les trois compagnons de classe de ma nouvelle amie font des yeux ronds alors qu’Allie rit. Les casiers tout proches vibrent jusqu’à ce que notre actrice du jour ferme la bouche. L’incompréhension mélangée à l’inquiétude se lit dans les yeux des harceleurs. J’ai envie de rire alors que fusent des pensées à propos de sorcières et de folles, mais je ne suis pas le centre d’intérêt. Pas cette fois.
Kimi s’avance et s’installe un pas derrière Allie.
-Vous m’avez appelé? demande l’aîné à la cadette.
Allie hoche lentement la tête.
-Questionne-les, ordonne-t-elle.
Kimi s’incline.
-Bien, maîtresse.
Les secondaires un sont médusés devant celle, de plusieurs années leur aînée, qui met Allie sur un piédestal.
-Que faites-vous à ma patronne? s’enquiert Kimi.
Dans la tête des jeunes, plusieurs idées défilent, jusqu’à ce qu’un d’entre eux décide de la meilleure.
-Nous l’intimidons.
Autour de lui, des chuchotements fusent. Le pauvre ne comprend pas ce qui lui arrive. Ce n’était pas du tout ce qu’il voulait dire.
Kimi secoue la tête, désapprobatrice.
-Je vois. Et pour quelle raison?
Une autre des élèves se dépêche de trouver une justification avant que son collègue trop sincère ne parle.
-Parce qu’elle n’a pas d’ami, alors c’est facile.
Stupéfaite, elle plaque sa main devant sa bouche. Elle ne comprend pas pourquoi elle a dit ça.
-Vous êtes mieux d’arrêter, dans ce cas, leur suggère Cyth qui se trouve un peu plus loin. Je suis sa nouvelle meilleure amie.
À ce moment, la corneille croasse et ouvre ses ailes pour prendre son envol. Je ne peux pas m’empêcher de trouver qu’Allie est une déesse pour réussir à ne pas broncher alors que l’animal quitte son épaule pour s’établir sur celle de ma sœur.
Quant aux intimidateurs intimidés, ils ne rêvent que de prendre la fuite.
-Recommencerez-vous à ennuyer la patronne? sourit Kimi.
-Oui, dès qu’il n’y aura personne d’autre, dit l’un d’entre eux avant de rester médusé d’avoir parlé.
Je fais signe à Jub et les casiers se mettent de nouveau à trembler. Je crois que le plaisir que je prends est un peu malsain, mais c’est comme un film qui se déroule sous mes commandements.
-Recommencerez-vous à ennuyer la patronne? répète Kimi.
-Non!
Cette fois, c’est unanime et sincère. Ils n’ont jamais eu aussi peur de leur vie.
-Disposez, leur permet gracieusement Allie.
Les jeunes ne se font pas prier et Cyth renvoie la corneille avant qu’un professeur ne rapplique. Le retour au calme ne dure que quelques secondes. Allie nous regarde alors qu’on s’approche d’elle et de Kimi. Cyth, Jub et moi les rejoignons en riant.
-C’est pas croyable! s’exclame notre nouvelle amie. Vous avez réussi.
Je la corrige rapidement :
-Tu as réussi.
-Ils vont me laisser tranquille.
Kimi hoche la tête.
-Je te le garantis.
-Moi, en tout cas, je ne m’en prendrais pas à toi après avoir vu tout ça, confirme Jub.
-Ça, c’est parce que tu es trouillarde, glisse Cyth.
Jub lui lance un regard mauvais, mais je la calme d’un geste de main.
-Je suis heureuse qu’on ait rétabli l’ordre, dis-je doucement à Allie. J’espère que tu pourras te faire des amis, maintenant.
-C’est déjà fait! sourit Cyth.
J’hoche la tête
-Tu as raison.
Les yeux d’Allie se remplissent d’eau. Je crois que si j’étais un paon, je relèverais la tête et étendrais ma queue le plus possible.
-Bon! Les cours vont commencer.
Je suis Zab Ca, et je suis une scénariste de malheur!
Parfois, pour protéger ceux qui le méritent, il faut savoir sortir ses griffes. Mais rien ne vaut une réplique artistique.
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