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Épisode 6 - Au cœur des hommes


Je cours vers ce qui se trouve devant moi. Qu’importe ce qui m’attend, je suis pressé de l’atteindre. Au bout, j’aurai un autre chemin à emprunter et ses promesses me font languir d’impatience.

Je sais que je ne suis pas la seule à courir. Je les entends, leur voix qui cri pour être écoutées sans jamais sortir de leur cœur. Ils rêvent, espèrent que demain aura un soleil plus fort. Et la plupart du temps, je les ignore.

On a tous un chemin à parcourir. Il nous faut le tracer et choisir entre le dégager de nos bras ou passer par-dessus les obstacles sans faillir. Certains ont plus de difficulté, le font plus lentement, mais quoi qu’il arrive, il faut continuer d’avancer.

Jid cogne à la porte de ma chambre.

-On a un appel.

-Je sais. J’arrive.

Les gens appellent à l’aide sans cesse, sans briser le silence. Tant que ce n’est pas physique, personne n’a d’aide. Nous, on s’occupe des personnes qui briment la liberté des autres, nuisent à leur corps d’une façon ou d’une autre. Parfois, je me dis que je préférerais toucher leur esprit, les écouter et leur parler. Ou mieux : les faire rêver que demain, le soleil sera cent fois plus fort.

Devant la maison où un homme menace une femme d’un couteau, un périmètre de sécurité a été installé. Des curieux s’y sont entassés et pointent le cheval de Cyth sur lequel on est arrivé ou Var qui vient de se poser au sol. Les membres présents de ma famille – Jub et Mili n’étaient pas à la maison lors de l’appel – sont entassés autour d’une voiture de police où ils se font expliquer la situation plus en détail. Moi, je me trouve plus loin à fixer la maison. Je lis dans leur esprit pour saisir.

Je ne sais pas pourquoi on a fait appel à nous. C’est une situation que les policiers peuvent régler d’eux-mêmes. Ils ont une formation. Ils parlent, ils convainquent et ils sauvent les gens. C’est leur travail. Être des héros sans pouvoir, c’est leur force. Moi, je ne suis pas plus forte qu’une autre. Je ne fais que me servir de ce que la vie m’a offert sur un plateau, sans effort. Je cours et pourtant, je ne m’essouffle pas, ne me blesse pas. Où est mon mérite?

-Zab?

Je me tourne vers mon père et souris.

-Frank peut régler ça en deux secondes. Il entre dans le corps de l’homme jusqu’à ce qu’il soit menotté et c’est réglé.

Mon père secoue la tête.

-L’homme veut tuer sa conjointe, puis se suicider. Frank est déjà parti avec Janne pour empêcher que la femme ne soit davantage blessée. Ils devraient revenir sous peu avec elle. Mais j’ai besoin de toi pour parler à l’homme. À quoi ça sert de sauver quelqu’un si c’est pour qu’il en finisse peu de temps après?

Je regarde mon père en clignant des yeux à plusieurs reprises. Lui aussi, il ne veut plus qu’on passe à autre chose après avoir apporté une aide illusoire. Var, Frank et maman vont s’assurer que tout se passe bien le temps que la femme soit libérée et l’homme en cellule. Papa et Cyth prendront soin de la femme à son retour pour l’aider à passer le choc. Jid et moi, on entrera en scène après, auprès de l’homme.

Il ne me reste qu’à patienter un peu. Rapidement, maman ressort avec la femme. Aussitôt, papa la rejoint et pose une main sur elle pour soulager sa douleur. Il la conduit où Cyth se trouve avec son cheval. Ils parlent un peu et un chat les rejoint. Cyth est géniale, parfois. Une thérapie par les animaux peut se révéler parfaite.

Entre temps, l’homme est sorti de la maison, conduit par un policier. Il est menotté et confus. Il ne sait pas comment il a pu se retrouver dans cette situation. Je le plains un peu, l’effet Frank est dur à accepter.

Jid me rejoint.

-On les suit dans la deuxième voiture de police, viens.

Je le suis et un policier nous fait entrer à l’arrière de son véhicule. C’est ma première fois, mais je ne suis pas vraiment déstabilisé. Il n’y a aucun grillage, rien qui sépare le policier à l’avant de nous. Il y a bien une boîte radar sur le tableau de bord et un petit ordi entre les sièges devant, mais ce n’est rien de bien impressionnant.

Le chemin jusqu’au poste est vite fait. Sans vraiment m’en rendre compte, je me retrouve devant la salle d’interrogatoire où l’homme a été emporté. Un policier parle avec Jid. Ils discutent stratégie. Jid essaie de leur expliquer que nous n’avons besoin de la présence d’aucun policier en salle d’interrogatoire, puisque je peux très bien savoir ce à quoi ils pensent s’ils restent dans la salle d’observation.

Les hommes en uniforme sont humains. Je ne suis pas surprise qu’ils me dévisagent comme si j’étais une bête de foire. C’est normal de ne pas comprendre mes capacités. Ils n’ont pas l’air non plus de se douter que tout ce qu’ils pensent de moi, que le fait qu’ils croient que je suis inutile et leur vole leur job plaisante, je le sais. Mais j’en ai tellement l’habitude, que je m’en fous. J’ai juste hâte d’entrer parler à l’homme. Alors dès que l’officier qui discute avec Jid se dit qu’il serait temps de nous laisser entrer, j’ouvre la porte.

Je suis angoissée, ça ne fait aucun doute. J’ai peur de tout faire de travers. Savoir ce que les gens pensent ne garanti pas de bien leur communiquer ce que je ressens ou de réussir à les apaiser.

Mais je suis Zab Ca et j’ai l’intention de sauver cet homme.

Coûte que coûte.

À suivre…


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